Médecin des abers

Nous arrivons dans l’ère de l’open data, mais du fait de leur caractère extrêmement sensible, les données médicales ont jusqu’à présent échappé à ce phénomène. Et si les médecins sont vent debout contre le projet de Loi Santé de Marisol Touraine, c’est notamment parce que cette loi non seulement ne protège pas ce pilier de notre code de déontologie mais risque fort au contraire de le faire disparaitre.

Les dangers qui  cernent le secret médical sont nombreux.

Nous pouvons citer AXA dont le nouveau service de téléconsultation pourra servir notamment à recueillir les données médicales de ces patients (mais pas seulement, lire ici à la date du 9 mai 2015). AXA toujours qui a investi 800 millions d’euros pour analyser les données de l’open data, et en premier lieu les données médicales. AXA qui est néanmoins un nain dans ce domaine comparé aux géants américains que sont Google Microsoft… qui sont fin prêts à en extraire toutes les informations utiles et rentables.

Nous pouvons citer Guillaume Sarkozy, délégué général du groupe Malakoff Médéric, (http://www.lenouveleconomiste.fr/guillaume-sarkozy-malakoff-mederic-un-uber-peut-tres-bien-emerger-dans-la-sante-du-jour-au-lendemain-je-suis-obnubile-par-ce-risque-27998/) qui affirme que « le verrou de l’accès aux données médicales va sauter un jour ou l’autre, la pression va être trop forte. Cela va dans le sens de l’histoire. Un peu comme Über que rien ne peut arrêter. La loi européenne obligera bientôt la sécurité sociale à les rendre disponible ». Il souhaite aussi que les patients aient la « liberté » de donner leur dossier médical à leur assureur, et on voit bien les « bonus » pour ceux qui le donnerait et donc les « malus » pour ceux qui ne voudraient ou ne pourraient pas le faire (Coïncidence ? La CNAMTS dans le dernier épisode de la gabegie du DMP vient d’annoncer qu’elle souhaite que le patient « soit maitre de son DMP »)(Les Echos)

Ajoutez à ce contexte, les liens étroits qui unissent les assureurs aux banques et de nouveaux problèmes se profilent à l’horizon pour les patients atteints d’une maladie grave…

Dans ce contexte, que fait la Loi Santé ?

 Elle choisit de privilégier les assureurs et la finance (c’est une spécialité gouvernementale, semble-t-il ?) par rapport aux droits des citoyens.

Comment ?

Premièrement, grâce à la mise en place du fameux Tiers Payant Généralisé Obligatoire, qui modifiera les flux de données qui transiteront par les assureurs, ce qui leur permettra ensuite de faire payer plus cher ceux qui auront des soins couteux (http://vimeo.com/117149041), pour favoriser le monde de l’entreprise où les maitres mots sont Solvabilité, Bénéfices, Marge …

Deuxièmement, l’article 47 de cette loi créant un Institut National des Données de Santé est particulièrement flou sauf sur un point : les données qui seront vendues seront ré identifiables, alors que les données anonymisées ne seront pas en accès libre. Double contradiction. Et le flou du texte permettra par voie de décrets pris de façon unilatérale, sans débat citoyen ou législatif, de rendre poreuses les données médicales des Français, sans certitude qu’il y ait un réel  contrôle effectué, laissant la porte ouverte à toutes les dérives imaginables.

Il faut réagir aujourd’hui, nous médecins, mais aussi professionnels de santé, patients, car demain, nous, médecins, asservis par le Tiers Payant Généralisé, nous devrons obéir à ceux qui nous rémunèrent (Sécurité sociale ? Assureurs ?), et, plus encore, nous serons payés pour remplir ces dossiers et enfreindre le serment d’Hippocrate que nous avons prêté.

Pour finir, je trouve qu’il est quand même paradoxal que des entreprises telles que les mutuelles, qui sont incapables de transparence pour elles-mêmes (nous attendons depuis des années la publication de leurs comptes, et notre ministre vient de leur garantir quelques années d’opacité en plus) , veuillent autant la transparence pour ce qui est le plus intime chez nos concitoyens : leur santé !